Raimund Stillfried-Ratenicz (Baron von)

Portrait de jeune fille japonaise [Girl]


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Commentaire

Ce charmant portrait de jeune femme japonaise a été attribué alternativement à Stillfried, Farsari ou Kusakabe. Les ateliers n’hésitant pas à reprendre les images de leurs confrères, ce portrait se retrouve dans les albums de divers photographes. Originalement, ce portrait a bien été réalisé dans l'atelier de Stillfried & Andersen et s'il est souvent attribué à tort à Farsari c'est parce que Farsari ayant racheté le stock de Stillfried & Andersen en 1885, on retrouve également cette épreuve dans des albums ultérieurs de Farsari, ainsi que dans une photographie composite qu'il utilisait parfois comme frontispice. L'attribution à Kusakabe Kimbei est plausible, Kimbei ayant travaillé de nombreuses années comme assistant de Stillfried mais aucune preuve tangible n'est venu étayer cette théorie jusqu'à présent et ce portrait peut avoir été pris également par Stillfried lui-même, bien qu'il soit légèrement différent de son style habituel.

Ce portrait fut très populaire dans les deux dernières décennies du xixe siècle ; il apparaît non seulement dans les albums des touristes, mais aussi dans des guides touristiques pour le Japon. Il correspondait à l’idéal-type de la beauté féminine japonaise vue par un Occidental. Pourtant, Terry Bennett note qu’il a déjà vu cette image légendée Eurasian Beauty 1 et nous en avons également retrouvé une reproduction dans un ouvrage allemand d’anthropologie de 1902 2 avec pour légende Tochter eines Italieners und einer Japanerin (fille d’un Italien et d’une Japonaise). Ceci ne serait pas étonnant, car de nombreux résidents avaient des enfants avec leur maîtresse japonaise. Stillfried avait trois filles qu’il laissa au Japon et Adolfo Farsari une, qu’il amena en Italie à son retour. Dans les récits de voyageurs, la beauté de ces enfants est parfois mentionnée. On remarque également la coiffure très occidentalisée de cette jeune femme qui n'a pas la coque centrale des chignons à la Shimada traditionnels mais une seule raie centrale et une frange. Les ornements habituels de la coiffure, en bois, métalliques ou en écailles de tortue, ont été remplacés par des rubans et des fleurs artificielles 3 .

Ce portrait a inspiré le peintre de style yōga 4  Goseda Hōryū II (二世五姓田芳柳, 1864-1943) 5 pour une peinture sur soie de 55.5 x 40 cm, exécutée dans les années 1880, intitulée ultérieurement Portrait de Ragusa-Tama qui est conservée au musée national de Tōkyō. Goseda a copié la photographie très fidèlement, et a posé ses couleurs sur un fond grisé, imitant un tirage photographique colorié à la main, ce qui donne au visage une teinte peu naturelle. On a longtemps supposé que cette peinture sur soie était un portrait de la femme du sculpteur italien Ragusa 6 , surnommée Ragusa-Tama 7 , avant de découvrir qu’elle était inspirée par cette photographie d’une jeune fille anonyme de Yokohama 8 .

Notes

1. BENNETT Terry, Early japanese images, Tōkyō, Charles E. Tuttle, 1996, p. 143.

2. STRATZ Carl Heinrich (Dr.), Die Körperformen in Kunst und Leben der Japaner [Les formes du corps dans l’art et la vie des Japonais], Stuttgart, F. Enke, 1902, p. 58. Cité par : ESTEBE Claude, Le premier âge d’or de la photographie au Japon (1848-1883), Thèse de doctorat en langue & civilisation japonaise, sous la direction de Pierre-François Souyri, Paris, INALCO, 2006, p. 382.

3. SHIMIZU Christine, Le Japon du xixesiècle – la redécouverte, Marseille, Éditions AGEP, 1990, p. 142.

4. Peinture japonaise de style occidental, émergeant après la restauration de Meiji.

5. Fils adoptif de Goseda Hōryū. Il appris la peinture à l’huile avec Charles Wirgman. C'est un peintre de paysages, de scènes de genre et de sujets historiques sur l’ère Meiji.

6. Vincenzo Ragusa (1841-1928), sculpteur italien né en Sicile, enseigna la sculpture à Tōkyō à la section technique de l’école des Beaux-Arts Kōbu bijutsu gakkō (工部美術学校) de 1876 à 1882.

7. Ragusa s’était marié avec une artiste-peintre, Kiyohara Tama (清原玉, 1861-1939). Celle-ci lui servit de modèle pour son buste intitulé Jeune fille japonaise (1880), conservé à l’Université des Arts de Tōkyō (東京芸術大学).

8. Shashin to kaiga (写真と絵画), Tōkyō, Asahi Shinbun-sha (朝日新聞社), coll. Art Magazine Asahi Bijutsu-kan tēma-hen 2 (朝日新聞社朝日美術館テーマ編2), 1996, p. 45.


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