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Ichida Sōta

Groupe de geishas de Kyōto


Commentaire

Pour cette superbe composition, Ichida a disposé un groupe de geishas en studio, constitué d'une part de deux danseuses, une debout au centre de la composition, la deuxième assise à sa droite mais qui tient discrètement un pan de la manche de la première comme pour marquer une connivence entre elles. D'autre part, à leur côté, placées en symétrie, deux musiciennes les accompagnent avec les instruments habituels des geishas 1  : un shamisen sur la gauche et un petit tambour posé sur l'épaule gauche, un kotsuzumi (小鼓) 2 à droite. Le décor est minimal, un fond neutre, pas de mobilier, les geishas étant assises en seiza sur les nattes posées à même le pavement en pierres carrées caractéristique du studio d'Ichida 3 .

Les deux geishas au centre de l'image sont des danseuses, reconnaissables à leur long kimono à la bordure matelassée pour traîner élégamment sur le sol et que l'on ne peut donc porter qu'en intérieur, ainsi que le obi porté en longue traîne (darari obi だらり帯), que l'on distingue bien sur celle de droite. La danseuse debout cache ses mains dans les manches de son kimono – un geste noble, selon la codification de l'époque – et tient dans sa main droite un grand éventail pliant de danse.

Ce costume, que les geishas réservent aux danses, est aujourd'hui porté quotidiennement par toutes les apprenties geishas (maiko) de Kyōto pour égayer les rues. Une décision prise au cours de l'époque Meiji à des fins touristiques.

Les quatre geishas, fardées en blanc 4 , ont les sourcils rasés et redessinés. Si leur coiffure est quasiment identique, un petit chignon en wareshinobu, décoré de kanzashi métalliques et floraux dans les cheveux, elles ont toutes cependant des kimonos raffinés aux motifs différents.

Un album, conservé dans le fonds Dubois du musée Guimet, ayant appartenu à un membre de la seconde mission militaire française au Japon, arrivée en 1874, contient une épreuve similaire qui est légendée en français en lettres manuscrites gothiques « Kioto – Groupe de musiciennes » (cf. épreuve 072_11), ainsi qu'un autre portrait de la geisha située à droite du groupe, où elle joue également du tambourin, qui permet de l'identifier. Il s'agit de Kotaki, une geisha de Kyōto, comme nous l'apprend la légende : « Kioto – Portrait de Kotaki célèbre danseuse » (cf. épreuve 072_10).

Le raffinement de cette image est renforcé par sa découpe ovale et le luxe de la page d'album sur laquelle elle est collée, un papier micacé d'or et d'argent avec une bordure dorée. La finesse des personnages et leurs menus visages, la pureté de la composition et le fond neutre font penser à un autre pionnier des arts visuels au Japon, celui de l'estampe polychrome, Suzuki Harunobu (鈴木春信, 1725-1770) et de ses silhouettes de bijin à la grâce déliée.

Notes

1. Pour distinguer les geishas spécialisées dans la danse (odoriko) et les autres, les premières sont appellées « personnes debout » (tachikata 立方), et les autres « personnes assises » (jikata 地方) car elles restent assises en seiza pour jouer et chanter tandis que les autres dansent.

2. Le kotsuzumi est également utilisé dans la musique de théâtre nō et kabuki.

3. Cette épreuve est reproduite dans l'ouvrage suivant, mais où elle n'est pas encore attribuée :
SHIMIZU Christine, Le Japon du xixe siècle – la redécouverte, Marseille, Editions AGEP, 1990, p. 160.

4. Avec un mélange très toxique, à base de plomb, aujourd'hui remplacé par de la poudre de riz.


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